La chance de ma vie ? Etre handicapée

Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous la vision que j’ai aujourd’hui sur mon handicap. Ce n’est clairement pas quelque chose qu’on lit partout et j’ai mis énormément de temps à en arriver là. Mais j’avais envie aujourd’hui de vous emmener avec moi dans cette réflexion et vous expliquer pourquoi je pense qu’être handicapée a été la chance de ma vie. Je tiens tout de même à souligner que je ne cherche pas à minimiser les défis que cela implique, bien au contraire. Je ne connais que trop bien les enjeux de la maladie et du handicap. Mais ce que j’aimerais par ce billet, c’est célébrer les aspects positifs, les victoires, toutes ces choses qui ont fait de moi celle que je suis aujourd’hui.

Petite remise en situation

Avant toute chose, j’avais envie de vous remettre un peu dans le contexte si jamais vous ne me connaissez pas. J’ai 31 ans et dans ma vie, je n’ai connu que 6 années sans maladie : Les 5 premières années puis l’année de mes 25 ans. C’est tout. Entre les deux, j’ai vécu 20 ans d’anorexie mentale dont dix années de manière très grave puis à 26 ans, je suis retombée gravement malade. Une infection a été l’étincelle qui a déclenché une maladie génétique rare, puis une maladie autoimmune rare. Entre autres. C’est un gros résumé mais ça vous remet dans le contexte.

La redéfinition de la réussite

Mon handicap m’a permis de confirmer (plus que jamais) l’importance de vivre dans le moment présent, de savourer les petits bonheurs de la vie et de cultiver la gratitude pour chaque journée passée. Je ne sais jamais dans quel état mon corps va être d’une heure à l’autre. Il y a des journées où j’arrive à faire pleins de choses, d’autres rien et d’autres encore où ça va varier. La société mesure souvent la réussite en termes de réalisations professionnelles ou d’accomplissements personnels comme par exemple, à 30 ans, être marié, avoir 2 enfants, un chien et la maison. Je grossis un peu le trait (quoique…) mais c’est souvent la sensation que j’ai eu.

Alors ce fut tout un chemin d’accepter que je n’aurai jamais une vie “normale”. Mais c’est une fois ce chemin parcouru et détachée de ces images toutes faites imposées par la société que j’ai compris que ma réussite était ailleurs. Parfois même, juste réussir à dessiner, écrire ou lire en ayant été couchée toute la journée à cause de mes douleurs est ma réussite.

Un nouveau regard sur les autres et sur moi

Mon handicap m’a offert de nouvelles perspectives. En vivant avec des défis et des douleurs quotidiennes, j’ai compris (encore plus qu’avant) qu’on ne pouvait pas savoir ce que vivait la personne en face de nous. Parfois, la critique est facile mais en fait on ne sait rien sur ce qu’il se passe en face. De plus, j’ai beaucoup appris sur moi. Vraiment beaucoup. Et moi qui croyait être le mieux quand j’étais entourée de monde, j’ai en fait découvert que j’étais une vraie casanière, introvertie et qu’en fait c’est quand j’étais seule dans mon cocon que je me ressourçais le plus et le mieux.

La force intérieure

L’adversité nous amène souvent à découvrir notre force intérieure. Mon parcours en tant que personne handicapée et malade m’a permis de faire face à des obstacles apparemment insurmontables, de relever des défis qui me semblaient impossibles, et de sortir de ma zone de confort à maintes reprises. Ces expériences m’ont montré que je suis plus résiliente et forte que je ne l’aurais jamais imaginé. Aujourd’hui, je sais et je suis convaincue qu’aucun mur n’est infranchissable. Il faut parfois du temps mais tout est possible.

La vision de mon corps

Avec 20 ans d’anorexie mentale à mon actif, je vous laisse imaginer que je n’ai pas toujours été bien dans mon corps et que je l’ai sacrément fait souffrir. Devenir handicapée, dépendante et clouée sur un fauteuil roulant m’a permis de voir tout ça différemment. Les kilos, la balance et les chiffres sont bien bien bien loin derrière moi. Mon corps est le trésor qui me permet de continuer à vivre, de réaliser mes rêves et mes projets et qui me permet d’être vivante. Mon regard sur tout ça a bien changé et j’ai accepté depuis plusieurs années maintenant que les kilos n’étaient que des chiffres et que les variations étaient tout à fait normales et dépendaient tellement de multiples facteurs. Après 20 ans de combat contre mon corps, je crois que je suis enfin arrivée à une grande paix avec lui.

L’appréciation des petites victoires

Dans ma vie quotidienne, j’ai souvent rencontré des défis auxquels la plupart des gens ne penseraient même pas. Cependant, ces défis m’ont également permis de célébrer les petites victoires avec une intensité toute particulière. Accomplir des tâches qui peuvent sembler anodines pour certains comme atteindre un objet hors de portée ou tenir une journée sans devoir m’allonger, devient une source de joie immense pour moi. Ces petites victoires m’ont appris à apprécier les moments les plus simples et à ne jamais prendre quoi que ce soit pour acquis.

Des rêves et des projets inespérés

Enfin, c’est le handicap qui m’a donné l’élan de me lancer dans l’entrepreneuriat et honnêtement je n’ai jamais été aussi heureuse et épanouie dans mes projets. Je me suis toujours sentie malheureuse dans le monde du salariat sans jamais réussir à poser les mots sur ça parce qu’en fait, je ne connaissais que ça. Alors je sais très bien qu’à la fin de mes études, je serai partie dans le salaria et que, même si l’entrepreneuriat s’était révélé à moi, il m’aurait sûrement fallu des années avant de sauter le pas. Le handicap m’a donné l’élan dont j’avais besoin et s’en est suivi une augmentation de ma confiance en moi.

Mon entreprise a bientôt 3 ans, j’ai créé ma boutique en ligne de papeterie artisanale qui grandit petit à petit, j’ai écrit et illustré une BD et aujourd’hui, j’écris mon livre témoignage. Sans le handicap et l’élan qu’il m’a donné, tout ça m’aurait paru totalement inaccessible et ce sont des rêves qui seraient restés enfouis encore longtemps.

Conclusion

Être handicapée est un combat de tous les jours, une révolte récurrente, une adaption constante et beaucoup de fatigue mais quelque part, ça été aussi la chance de ma vie. Bien sûr, il y a des moments difficiles, mais comme dans toute vie, les épreuves font partie du voyage et aujourd’hui ce voyage je le savoure malgré tout parce que de toute façon, aujourd’hui, mon handicap je ne peux pas le changer..

N’oubliez jamais que chaque chemin de vie est unique et précieux à sa manière. Nous ne vivrons jamais les choses de la même manière parce que nos expériences de vie sont toutes uniques mais je suis persuadée qu’on peut se nourrir les uns et les autres. Surtout ne vous comparez pas. Il y a encore quelques mois, je n’aurai sûrement pas eu ce discours. La maladie faisant partie de ma vie depuis presque toujours, j’ai fait tout un chemin d’acceptation, de résilience, un travail sur moi… Mais surtout ce n’est pas parce que moi, je le vis comme ça, que vous devaient, vous, le vivre comme ça.

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